7 heures du matin, plage déserte. Je l'ai vu descendre de la dune, et malgré la dizaine de mètres de distance, j'ai senti tout de suite qu'il faisait partie de l'espèce interdite ici.
Il aurait du fuir, j'aurais du courir me mettre à l'abri et alerter les secours. Mais au lieu de cela, nous nous sommes rapprochés l'un de l'autre. L'un comme l'autre, nous voulions voir l'autre de près, voir ce qu'il y avait de si différent entre un humain et un transhumain...
Maintenant face à face, nous nous regardons en effet, cherchant un éclat différent dans le regard.
Me serais-je trompé ? Lorsque je lève la main vers son visage pour pousser plus loin les investigations, il saisit mon poignet et me pousse en arrière. Je tombe à la renverse, il saute sur mes cuisses, bloquant au passage un de mes bras, et saisit tout de suite le poignet du bras libre pour me maîtriser complètement.
Je n'essaye pas de résister : il n'est pas bien fort physiquement, mais il me domine mentalement, son regard d'acier me paralyse. Il parait que certains ont des pouvoirs télépathiques, médiumniques : serait-il en train de m'envoûter ? Je remarque une tache ou une cicatrice sous l’œil gauche, un petit diamant sur le nez, étranges sur un visage de statue grecque. Et puis ses ongles recouverts d'un vernis noir.
Lorsqu'il lâche mon poignet me croyant vaincu, je me crois permis de toucher son corps ; caresser une peau naturelle, cela fait si longtemps, sensations étourdissantes. Un demi-sourire m'autorise à aller plus loin ; pour lui aussi l'expérience doit être bizarre.

Le rêve - car c'est un rêve - prend une tournure fantastique lorsque mon corps au contact de ce "tout à fait" humain se métamorphose : je retrouve les os, les poils, les organes, battements de cœur terrifiants, puis apaisants, retour à l'enfance, avant que je sois "amélioré" de la tête aux pieds, sauvé de la misère des maladies et de la vieillesse, mais dépossédé de ma vraie nature. Je réalise alors que je vais devoir fuir, les miens ne comprendront pas ce que je suis devenu. Fuir avec lui. S'il veut bien de moi.