Le pack de six yaourts est tombé de mes mains sur le sol carrelé de la cuisine un pot s'est ouvert. Je jure contre moi même : "Imbécile, pourquoi es-tu aussi maladroit !?".
Le garçon - j'ignore son nom - le fils de l'amie de ma mère chez qui nous sommes, me dit gentiment: "Ce n'est pas grave...
- Si, c'est grave. J'en ai marre de tout casser".
Alors que je prends une éponge dans l'évier pour nettoyer, il m'arrête : "Laisse, je vais le faire". Vraiment gentil comme garçon. Pour rire, je lui dis : "Oui, après tout, c'est chez toi". Drôle de logique.
Nos mères sont ensemble. "Ensemble" comme ensemble. Cela fait de nous des demi-frères, lui dis-je. Non, plutôt des beaux-frères. Enfin bref, ça nous rapproche. Deux mères dans une même chambre, nous n'osons imaginer ce qu'elles font. Mais deux garçons dans une même pièce, mon imagination ne fait pas beaucoup d'efforts.
Nous sommes filmés mais cela ne me dérange pas. Une émission de télé-réalité du genre "L'Incroyable Famille Kardashian". Les téléspectateurs demandent leur dose hebdomadaire de scandales. Serons-nous à la hauteur ? Pas si sûr...
[J'écoute Nova, je n'écoute plus que Nova sur mon auto-radio. J'essaye au volant de ma clio d'être aussi cool que les artistes peu connus qui y passent, aussi snobs et pédants comme les animateurs de la station. Quand je sors de ma voiture, je redescends sur terre.
Avant de monter 5ème étage droite, mon appartement. Pas très haut, mais une vue panoramique sur la ville et un peu la mer...]
Dans mon appartement, les caméras sont cachées ou je ne les vois pas. J'essaye d'être cool uniquement pour lui, mon demi-très-beau-pas-frère. Il passe en coup de vent, rafraîchissant ce soir caniculaire. Il m'embrasse avant de partir. Quand nos lèvres se séparent, je lui dis "merci". C'est con je sais. Manque de pudeur, l'impression de déballer mon sac, ma peur d'être seul, ma soif d'amour. Si peu nova. Mais j'ai envie d'être amoureux de lui et qu'il m'aime, comme dans les chansons guimauve des radios que je n'écoute plus (mfm, chérie fm). Pourra-t-on se voir demain soir ? "Je t'appelle dans la journée", répond-il. Je le raccompagne jusqu'à la porte. Quand je la referme sur lui, la porte se montre capricieuse, impossible de la pousser complètement. J'entends des voix sur le palier, mon toujours-beau-pas-demi-ni-frère discute avec des gens. Puis je vois des têtes passer au-dessus de ma porte. Il y a un trou au-dessus de ma porte, je ne l'avais pas vu. "Bonsoir, enfin on vous rencontre". Ce sont mes voisins. J'ai emménagé il y a trois mois, et je ne les avais pas encore rencontrés.