Je continue à errer durant un temps indéfini. Suis-je vraiment le dernier homme ? Il y a-t-il vraiment eu un premier homme ? Je crois que c'est l'histoire de l’œuf et et de la poule.
J'atteins la mer épuisé. Mes jambes ne me portent plus. Je tombe à genoux sur le sable mouillé. Je peux aller partout, mais à quoi bon faire le tour d'une île déserte.
Quand je relève la tête, le ciel s'ouvre, une lumière plus forte que celle du plus fort soleil m'aveugle. Je suis aspiré. Est-ce le voyage du retour ? Je ne sens plus mon corps, quelle extase. Quand je me matérialise de nouveau, je suis assis dans un fauteuil en verre. Ma vue est brouillée, je ne vois pas à un mètre devant moi, je distingue juste une forme allongée qui s'avance vers moi. Une voix douce me demande dans une langue que je comprends sans la reconnaître : "Voulez-vous parler avec moi ?". Je ne sais pas quoi répondre, ni dans quelle langue. Pourtant des mots me viennent naturellement : "Oui. Qui êtes-vous ?
- Vous êtes celui que nous cherchions depuis longtemps."
Une réponse à l'envers qui me fait sourire. Je demande alors : "Qui suis-je ?
- Je suis celui qui vous cherchait depuis longtemps, répond la voix
- Pourquoi ? Qui êtes-vous ? Je ne suis personne.
- Non, "je" suis quelqu'un d'important. "Je" suis le dernier représentant d'une espèce qui possède cette planète.
- Nous ne possédons pas cette planète.
- C'est de la modestie, une de vos qualités les plus bêtes. Je dois entendre l'inverse : "nous" possédons cette planète.
- Que voulez-vous ?
- Voulez-vous nous vendre la Terre ?
- La Terre n'est pas à vendre... Mais qui êtes-vous ?
- "Vous" êtes celui que nous cherchons depuis longtemps.
- Qui suis-je ? (je ne sais plus si j'attends qu'il me dise qui je suis pour lui ou qui il est).
- Je suis quelqu'un d'important. Je suis le représentant d'une espèce qui vous propose de vivre éternellement dans le plus grand bonheur en échange de la Terre. (La façon dont il prononce ce mot "bonheur" me laisse à penser qu'il l'a lu dans un de nos livres, sans vraiment le comprendre.)
- Serais-je libre ?
- Vous l'êtes déjà. Je suis votre ami."
Je réfléchis quelques secondes. Puis je me décide : "Nous avons perdu le contrôle de cette planète, nous avons disparu il y a très très longtemps. Sauf moi. Prenez cette planète, elle est à vous. Mais laissez-moi revenir en arrière, retourner chez moi. Je ne me souviendrai de rien...
- J'accepte votre offre. (Il me tend une main avec des doigts très longs que je serre en guise d'accord réciproque). Vous allez tout oublier, mais ici et maintenant vous m'avez vendu la Terre... Fermez les yeux."
Je ferme les yeux en souriant. C'était la meilleure chose à faire.