On entendait le matin entre neuf et dix heures le klaxon de la camionnette du vendeur de pains et de croissants. Les ménagères sortaient de chez elles avec leur petite monnaie...
C'était une année ou une autre dans une vie paisible d'un quartier résidentiel à la sortie de la petite ville.
Il y avait aussi tous les premiers mercredi du mois vers midi le test de la sirène municipale. Mais que se passerait-il si une catastrophe survenait un premier mercredi du mois vers midi ?
Les mères au foyer, les retraités, les enfants en bas-âge ou en vacances scolaires vivaient ses journées seulement dérangés par ces quelques événements sonores... D'autres sons rythmaient la journée : les génériques des feuilletons télé.
Je me souviens en particulier d'un générique. Une flopée de synthés sur des images d'océan pacifique, puis la voix chaude du chanteur sur des vignettes défilant de la droite vers la gauche pour présenter les différents personnages/acteurs...
A l'époque, les séries américaines arrivaient en France avec cinq à dix ans de retard. Nous étions gavés par le mode de vie américain, et en plus, nous vivions dans le passé, avec des aller et retours dans le temps suivant l'ordre des rediffusions par les chaînes. Les adolescents reproduisaient des looks démodés outre-atlantique (quoiqu'on entrait dans une période où les looks des différentes décennies, cultures et contre-cultures commençaient à se mélanger joyeusement).
Sur la télé en noir et blanc puis en couleur, mes parents dépassaient rarement la troisième chaîne avec la télécommande. Un jour, nous les enfants aventuriers dans l'âme, nous avons passé les images cryptées de la quatre et les émissions éducatives de la cinquième, et nous avons découvert M6, et particulièrement à midi "La petite maison dans la prairie". Un double voyage dans le temps : la série avait combien d'années déjà... et se déroulait au XIXème siècle... Peu importe, c'était une double nouveauté pour nous : nous regardions une nouvelle chaîne et nous ne connaissions pas cette série.
Quand je m'ennuyais, j'essayais de chercher en parcourant les canaux suivants une nouvelle chaîne, peut-être une station étrangère comme sur la bande AM de la radio... Peut-être aurait-on pu capter une chaîne étrangère ? Mais il n'y avait que de la neige. Le voisin avait une parabole. C'était la seule du quartier.
Plus tard, je découvrirais les émissions en clair de Canal + difficilement reçu avec une antenne intérieure bringuebalante, des lignes blanches parallèles descendent sans cesse sur l'écran.
En attendant, feuilleter deux vieux "Ciné télé revue" ou "Télé k7", découper ce qui me plaisait, coller dans des cahiers.