En parcourant les pages de mon journal onirique, j'arrive à la fin qui est le début. "Déjà vu" en date du 1er janvier 1970. C'est une erreur. Le 1er janvier 1970 est une date bien connue des informaticiens, c'est l'origine temporelle utilisée par de nombreux systèmes informatiques. Je relis le rêve, et je ne me souviens pas du tout. Je suis incapable de retrouver la date, l'année. Le titre suppose que ce rêve m'a donné un goût de déjà vu. En effet, il peut me faire penser à d'autres rêves.
"C’était quelle année déjà où rien ne faisait mal ?
"Ni brûlure, ni piqûre ?
"Sous un ciel idéal

"Est-ce que je n’ai pas rêvé tout ça ?
"Est-ce tu as vu le même film que moi, le même film que moi ?
"Déjà vu…"

J'avalais la lumière sous des torrents de pluie.
L'harmonica d'"Il était une fois dans l'Ouest", et l'ocarina dans le walkman.
J'étais Indiana Jones.
Je n'aimais pas les samedi après midi au centre de loisirs.
Quand on se disputait avec mon frère, on se traitait de "gogoles" ou de "pédés". Je ne sais pas quelles sont les insultes à la mode chez les enfants aujourd'hui.
En dehors de ça, on s'amusait bien tous les deux. Je ne sais plus quand ni pourquoi mon frère s'est éloigné de moi.
De brefs moments me reviennent dans les années qui ont suivi.
- Nous sommes allés à Luna Park de passage dans notre ville.
- Une bataille de boule de neige et de glace.
- Nos feux d'artifice avec ces petits pétards fusées dans le champ près de chez nous (le champ de personne). On plantait le bâton dans la terre, puis on allumait la mèche. La fusée décollait et éclatait dans le ciel en l'éclairant d'une couleur différente à chaque fois.
- Notre petite exploration dans la petite maison abandonnée à côté du même champ, juste avant qu'elle ne soit démolie. La maison était vide, sauf le grenier avec des affaires de l'ancien propriétaire. Mon frère m'a fait la courte échelle pour que je monte. J'ai trouvé des vieux cahiers d'école vierges, des dictionnaires grec ancien et quelques livres... Depuis combien d'années étaient-ils dans ce grenier ? C'était quelle année déjà sur les cahiers d'écoliers ?
Quand nous étions petits, nous partagions la même chambre. Mon frère était très nerveux. Parfois il s'agitait dans son lit en chantonnant.

Est-ce que je n’ai pas rêvé tout ça ?

Au détour d'une promenade pour cueillir des mûres, nous - enfants, frères, sœur, et une voisine je crois - avons découvert un petit endroit sympa dans la campagne, un petit étang. Mes souvenirs sont confus ensuite : pêche au têtards, rencontre avec d'autres enfants, retours plusieurs fois à cet endroit ? ...
Ce lieu a-t-il d'ailleurs vraiment existé ?
D'autres lieux perdus dans le temps : un terrain de jeu d'un quartier voisin, un magasin de déstockage éphémère (caverne d'Ali baba avec jouets, livres à bas prix), quelques plages avec des galets ou du gros sable, une usine désaffectée où habitait encore une copine de ma mère, marié au gardien, le Codec sur le quai, devenu Shopi (et ses pains crémés), le foyer pour vieux sur l'autre quai, le collège de la gare, la boulangerie Péron, le lavoir près du cimetière...
Ses lieux n'existent plus tels qu'ils étaient... Et l'effet du temps joue aussi sur des lieux qui existent toujours et qui n'ont pas changé. Quand on y remet les pieds une nouvelle fois, ce ne sont déjà plus les mêmes lieux. Ce n'est plus l'impression de la la première fois.

... "Le mal de mer on l'a partout sur terre"
Ça bouge trop sous nos pieds, c'est ça le problème. Si la Terre pouvait s'arrêter de tourner...
"Maquillage bleu sur tes yeux...
"J'te trouvais beau
"Comme un anglais
"Sur cette photo de classe
"J'me trouvais moche
"Comme toujours"
"Minuit sur tes pas", c'était l'année... ? Je ne regarde pas trop en arrière d'habitude... Il y a trop de monde et de choses, c'est vertigineux.
Et puis mes petites angoisses éphémères ou permanentes, mes tics de langage, mes tocs disparus ou persistants, les histoires que je m'inventais, les rêves que j'ai fait, le poids des années, ma légèreté de vivre malgré tout...
A l'origine, il y a quelque chose. Oui ça a commencé en... ? peu importe... A l'origine, imaginer passer son bac, faire ton service militaire, fonder une famille... Et puis, tout déraille... Déjà, le Président décide de supprimer l'appel des conscrits... Heureusement il y a les études qui à défaut de passionner et de mener quelque part occupe ton temps... Mais depuis longtemps je rêve d'autre chose... La tête dans les nuages, sans se faire remarquer à l'école et ailleurs. Vivre alors un paradoxe : le goût de l'aventure, des aventures sans l'étoffe des héros. Ce n'est pas très grave. Les rêveurs sont aussi utiles que les "faiseurs", ils écrivent autant d'histoires, en équilibre entre la réalité et le mensonge, le souvenir et l'oubli, les illusions et les désillusions...