Martin (20**)
Il y a longtemps.
Septembre. Martin n'a pas pris une couleur. Crème solaire étalée sur tout le corps, toute sa peau délicate. Protection maximale, exposition minimale. Il reparaît inchangé, les cheveux un peu plus longs peut être. Les taches de rousseur qui ressortent un peu plus. J'ai envie de lui faire la bise. Je veux déjà cueillir sur mes lèvres la chaleur qui émane de son être. Il porte une chemisette et un bermuda Abercrombie & Fitch, dans lesquels il parait si léger, délesté durant les vacances des soucis de l'année précédente. J'imagine le sous-vêtement qu'il porte sous son bermuda. Je le prends par la main, il vient à moi. Je dépose sur sa joue mes deux lèvres humides. Il ne réagit pas. Il s’assoit dès que je le lâche. Impossible de savoir s'il est autant ému que moi de le retrouver. Nous échangeons des banalités. Martin cause plus que moi. Il ne tient pas en place sur sa chaise. Il aime causer avec tout le monde. Il aime tout le monde. Je joue celui qui sait tout, qu'il faut étonner. Mouais, parle moi de tes petits copains, de ton cul, de tes ongles, intéressant... de tes premières places en prépa, de la loi de l'apesanteur, de la neige artificielle, de ta mère, du dernier singe, mais encore... de la longueur de tes bras, du dernier film que tu as vu, de la chanson qui passe le plus à la radio, j'aime bien... de la vie sur Mars... je finis par lâcher un sourire. Son corps, son rire, éclats de rire, éclat de couleurs, éclats de jeunesse... Une illusion ou une réalité ? J'aime le regarder, j'aime l'entendre. J'aime le retrouver et j'aime aussi le quitter. Pourquoi lui parmi tant d'autres ? Pourquoi lui maintenant ? Comme l'amour rend léger, on perd son corps pour celui de l'autre. Le bonheur commence quand les mots viennent à manquer. Combien de pluies sont tombées sur nos têtes ? Il donne et il reste. Il ne réfléchit pas, il laisse les choses se faire. Pour moi, c'est plus compliqué. Etre heureux malgré moi. Du 7e ciel... Là haut, l'eau du ciel, la sueur sur nos fronts, sur un nuage, dans les airs, mes petits et mes grands airs, je vois le monde clairement, tout est exactement à sa place. Ma vie est trop lourde, je dois lâcher du lest pour m'élever. Je jette des mots, des choses et des gens. Je dois être plus libre, pour aimer, ne pas attendre l'hiver... Bander de la tête aux pieds pour être un et unique, ensemble, jouir ensemble, toi meilleur que moi, moi meilleur qu'avant. Nous consommons vite ce qu'ils nous restent de pureté. Nos ébats ne volent pas haut finalement, mais ils sont légers. On n'a pas trouvé mieux pour l'instant.