... Quand tu m'a rencontré, tu ne savais pas...
... Ce générique de feuilleton télé enregistré sur K7 que j'écoutais en boucle (pas de replay alors, rembobinage...) - 11 ans - j'aimais la mélodie, mais les mots, mots d'amour, à qui pensais-je ? Personne ? Me souviens pas.
... La même année ou presque : les voyages de Rémi, sans famille (bibliothèque verte, tome 1, tome 2, 1950), que je suivais sur une carte de France. (Plus tard, bien après, après toi, mes déplacements professionnels me mèneraient un peu dans ces coins là, mais c'est une autre histoire... à suivre...)
... Avant, ... 5 ans peut-être, grand frère et grande sœur qui me font découvrir un endroit secret près de chez nous caché derrière les arbres. Je vais y passer mon enfance, loin du bruit des villes : nous respectons guère la nature - personne ne nous apprend - papillons dans le filet de l'épuisette, sauterelles dans les bocaux, arbres coupés...
... 13 ans, une année mauvaise ; l'autre bonne, 14 ans ; 13 ans : collège flingué, ados siphonnés ; des croche-pattes ou des mains tendues ; qu'adviendra-t-il de moi, sans foi désormais, sans toi pas encore connu ; recherche de modèles difficile, rêves petits (études supérieures ?), peur, attirance pour la néant, déjà.
... 11 ans encore. C'était moi aussi à la kermesse de l'école, la barquette de frites 10 francs offerte par la petite mère de Thierry, le sel et le ketchup, c'était pour moi tout le plaisir que la vie pouvait m'offrir.
... Et ce moment un matin d'été, 10 ans peut-être, après les dessins animés, sortir de la maison, trouver le soleil sur le pas-de-porte, rien à dire, pas un nuage, les grandes vacances quand on était petit, c'était toute une vie...
... 2 ans... Peu de souvenirs il est vrai, mais n'était-ce pas une belle année ? Imagine : grand frère et grande sœur sont à l'école, rien à faire à part jouer et ma mère, au foyer, rien que pour moi, toute la journée. Tu commences à parler (je ne parle pas beaucoup), tu marches, cours dans la maison, le jardin. Tu n'es pas encore écrasé par les années passées et les années à venir. Pas de passé, pas d'avenir. Un peu de peur quand tombe la nuit ; quand tu perds des yeux ta mère dans le magasin ; quand des étrangers frappent à la porte, se cacher sous la table ; mais si peu de temps avant de t'endormir.
... 8 ans, j'avais : des pièces de 5 francs, des lunettes en plastique, une banane ou le K-way en boule à la ceinture, des primevères, des boutons d'or, le participe présent, le journal de Mickey, les K7 d'Anne, le jean délavé, la calculatrice solaire, le vélo-cross, l'encre sur le bout des doigts, les haricots verts du jardin, les posters Disney, le premier bermuda de l'année quand l'été arrivait...
... Tu ne savais pas tout ça Pierre ? Tu supposais certes que nous avions grandi dans le même pays, à la même époque, garçons, fils et frères, à l'abri de la furie du monde dans nos quartiers bien tranquilles. Dans nos maisons, nous avons connu à peu près la même chose. Mais avec toi, je gardais comme toi pour moi l'inventaire des petites choses et petits moments passés. 15 ans, dans tes pattes, n'aimer que toi, parmi tous, je ne pensais qu'à toi, et j'oubliais tout le reste, les bons plans (tetris, mario, confettis, glace à l'orange, indiana jones, marie, le club des cinq, le petit voisin, la R5, saint-lary, dbz) et les mauvais coups (perdu à canterbury, le brevet de natation, les dimanches à la ferme). 15 ans, rien que le présent, quand nous marchons sur les quais, quand je t'attends à la porte du lycée, quand on est en septembre, octobre, novembre, le temps passe vite, mais je n'imagine pas te perdre... pourtant... 20 ans : je me demande ce que tu es devenu... Est-ce que tu vis les mêmes choses ? La fac ? A suivre...