Samedi 19 mars, Paris, 9h30. Je sors de l'hôtel, proche gare du nord, je saute sur un vélib, direction la Tour Eiffel, en bon touriste, GPS de ma montre pour me guider, je m'engage dans une petite rue piétonne. Restes de festivités par terre, quelle fête, étrange cette carte à jouer sur les pavés... Mais pas si étrange pour moi : le souvenir de ce garçon qui m'avait lancé un as de cœur me revient en pleine poire.
C'était il y a quelques années. Mais toujours, ce sourire me viendra en regardant une carte, même si ce n'est pas un as de cœur.
28 mai. Je cherche dans un magasin de jouets un cadeau pour ma nièce. Il y a toujours cette séparation de genres. Couleurs, flèches et indicateurs pour guider grands et petits. Rayons garçon c'est marqué "je suis un héros", et celui des filles c'était "je suis une princesse", mais quelqu'un (un employé, un client ?) a gratté des lettres sur le panneau en bois et c'est devenu "je suis un prince". Au rayon "lego", je m'arrête devant le boîte de la tour de Raiponce. Je ne connais pas l'histoire, mais me reviens le souvenir de mon ami chinois que j'avais délivré de sa prison en haut d'une tour.
La veille marchant dans la ville, comme un tournis. Je marche bel et bien dans le réel. Mais le monde semble un décor. Comme si je l'avais créé.
Sur les planches de la jetée, des inconnus se frôlent, et je frissonne quand je marche dans la même direction à peu de distance de deux hommes, c'est comme un film, grave, comme en slow motion. Bien sûr, je repense à ce rêve huit mois plus tôt au même endroit, à la même heure.
Sur le monde réel, cette couche de souvenirs. Parfois il faut changer de paysage mais ça ne suffit pas, comme à Paris.
Un rien suffit à vous ramener en arrière.
Ces quelques mots d'une chanson de Troye Sivan : "Remember when we first met ? / You said : Light my cigarette", me rappellent forcément ce soir de chaos, ce garçon sur ma route, et tout ce qui s'ensuivit.