Nous étions entrés dans une boîte.
Nous pouvions tout y faire.
Tests, expérimentations, succès, échecs.
L'amour sans risques.
Le sexe sans conséquences.
Dans la boîte, les règles du temps étaient abolis. Donc la mémoire. Nous oublierons une fois tout sortis de la boîte.
Nos différences dans la vie vraie ne comptaient pas non plus. Nous ne savions rien de l'autre. Nous apprendrions si peu. Peut-être un prénom, peut-être un âge, usurpés ou non. Quelques mots dans une langue ou une autre. Parfois le silence, troublé par des gémissements.
Nous nous regardions, nous nous apprécions... ou non... Changer de boîte ?
Car il y avait des millions d'autres boîtes qui nous attendaient.
Chacun passait d'une boîte à l'autre. Les boîtes se détruisaient et se recréaient en fonction des départs et des arrivées des joueurs.
"Joueur", voilà nous étions des joueurs. Avec rien à perdre durant la partie.
Nous resterions intacts une fois sortis de la boîte.
Rien aura été modifié dans notre vie. Des boîtes hermétiques à l'air du dehors et ses quatre murs ne laissant rien filtrer vers l'extérieur. Ni bruits, ni images, ni sentiments.
Nous quittions la boîte chacun de notre côté et nous ne nous reverrions jamais. S'il en était autrement, nous n'aurions pas pu être aussi libres dans la boîte et prendre autant de plaisir. Il n'y avait pas de questions à se poser sur "l'après" parce qu'il n'y avait rien "après". Il devait juste y avoir l'instant présent.
il n'y avait pas de règle autre que la liberté de quitter la boîte. Le but, si l'autre nous plaisait, était donc de le retenir le plus longtemps. Là était l'aspect le moins agréable de la boîte. Mais quand l'autre quittait la boîte, dans un flash, sans dire un mot, nous étions déçus, mais il quittait la boîte pour atteindre un niveau supérieur de plaisir, ou un plaisir plus proche de ses désirs, et tel était notre objectif à tous, nous ne pouvions le blâmer. Et puis, nous passions aussitôt dans une nouvelle boîte et nous avions déjà oublié la boîte précédente.
Ainsi passions nous nos jours ou nos nuits (le temps ne comptait pas ai-je dit).
Et puis nous revenions à la réalité.
Le temps reprenait son cours. Les distances entre les autres et nous s'étaient reformés. Nous rencontrions des murs à chaque visage fermé. Nous regrettions les boîtes où tout était plus facile et immédiat.
Nous n'étions plus vraiment adaptés à des relations "en réel".
Personne ne nous avait appris à nous lier avec les autres. Nous savions seulement nous "connecter" le temps d'une session dans la boîte, puis nous "déconnecter".
Nous ne savions même plus s'il était important, nécessaire, vital de lier sa vie avec une personne.
Pour nos plaisirs, il y aurait toujours les boîtes. Plaisirs sur place, rien à emporter, à toute heure de la journée, comme des konbinis. A tout endroit de la Terre, quelqu'un à rencontrer.