De passage à Quimper en mai dernier. Rue Aristide Briand, j'attends un bus, je suis seul sous l'abri-bus lorsqu'apparaît sur le trottoir d'en face un garçon tiré par un gros chien. Je n'aime pas les chiens, mais j'aime les garçons.
Je vois tout de suite que c'est un SDF, pas à cause du chien, mais à cause de ses fringues : il y a une sorte d'"uniforme" de SDF, pantalon treillis et veste beige, pas très propres. Mais il n'a pas de barbe, il est encore imberbe, il a à peine dix-huit ans. Ses cheveux ont été fraîchement tondus..
Il vient vers moi, la main tendue. Mon regard timide quitte la main pour regarder son visage une seconde, un visage gracieux qui m'implore, il me demande poliment cinquante-cinq centimes, somme dérisoire qui lui manque pour acheter un croissant à la boulangerie voisine. Il n'a pas mangé depuis deux jours. Sa voix est douce, le chien reste sage à côté de lui.
Il m'est arrivé de refuser de donner de l'argent à un clodo, prétextant l'absence de monnaie. Ou bien de donner une pièce pour me débarrasser d'un mendiant insistant. Mais là, je sors mon porte-monnaie sans réticence et je pose dans la main du garçon une pièce d'un euro. Pour moi qui suis un peu radin c'est beaucoup. Pour lui aussi c'est beaucoup parce qu'il a faim.
Après son départ, je me demande comment un garçon si jeune a pu se retrouver à la rue ? N'a-t-il pas de parents, de frères et sœur pour l’héberger, le nourrir ? [Et si moi je n'avais personne, où dormirais-je ?]
Personne ne devrait être obligé de dormir sur le trottoir, le droit à l'hébergement est une obligation humaine, ce n'est pas moi qui l'est dit, hélas, c'est un homme politique au pouvoir, ça pourrait en être un autre dans l'opposition. Ah si je savais quel parti est capable d'éradiquer la grande pauvreté, je voterais pour aux prochaines élections. Mais je n'ai aucune idée du choix qu'il faut faire...