A nouveau dans le rêve ces faux souvenirs ou ces souvenirs déformés d'anciens rêves, avec l'impression du "vrai".
Ici c'est une maison - mitoyenne, à la sortie de mon ancienne ville - petite maison grise des années 50-60 - maison dont j'ai héritée à part égales avec mes deux frères et ma sœur de mes grands-parents.
Pendant "un certain temps", j'étais le seul à me soucier de cette maison. Je passais parfois une nuit là-bas. J'aimais bien l'intérieur vieillot resté inchangé, les papiers-peints à grosses fleurs, les cadres en point de croix, les carrelages rose bonbon ou vert kaki, les meubles en formica. Et je m'occupais du cheval hérité avec la maison... Depuis combien de temps n'y suis-je pas retourné ? Je m'inquiète pour le cheval. Qui le nourrit ? L'herbe du pré attenant à la maison lui a-t-il suffi ? Peut-être s'est-il enfui las de ne plus voir venir personne, ou un voisin a eu pitié de lui. Je l'imagine aussi mort de faim, dévoré par les chiens errants. Je l'ai abandonné et j'en ai douloureusement honte. Je me demande si je pourrais vivre avec cette honte, et le seul moyen est de la cacher au fond de ma mémoire comme la poussière sous le tapis et l'oublier comme les autres hontes...
Cette histoire d'héritage n'était pas claire. Pourquoi la maison n'avait pas été léguée à nos parents ? Pourquoi mes frères et sœur s'étaient désintéressés de la maison alors que nous aurions pu la vendre.
Dans mes papiers, je recherche le titre de propriété. Je tombe sur un ancien album photo. Je nous vois petits avec mon frère et ma sœur (mon petit frère n'était pas encore né). Sur certaines photos, j'ai parfois du mal à nous retrouver au milieu d'autres enfants, cousin, cousines, copains, copines. Ce petit garçon roux, est-ce mon frère ? Je tourne les pages sans arriver à raccrocher les photos à des souvenirs.*
Je trouve ensuite un ancien cahier et, au lieu d'exercices et de devoirs d'école, je découvre des coupures de magazines collés sur les feuilles à carreaux. Il s'agit surtout d'encadrés d'émissions et séries télévisées, que je découpais dans les télé 7 jours, télé loisirs, télé star de l'époque, année nonante quelque chose. La télé occupait une bonne partie de ma vie quand j'étais enfant et adolescent. Je me demande comment je peux aujourd'hui m'en passer, après m'être désintéressé presque complètement des programmes diffusés et de ceux et celles qui les font. Un animateur de divertissement que j'ai adoré pendant de nombreuses années présente aujourd'hui le journal télévisé. Je m'étonne de ne pas le regarder dans ce nouvel exercice, alors que je guettais à l'époque chacune de ses apparitions à la télé, chaque article dans les magazines.
Je ne retrouve rien sur la maison... Parce qu'elle n'existe pas ? S'il n'y a pas de maison, il n'y a pas de cheval. S'il n'y a pas de cheval, je ne suis pas coupable de l'avoir abandonné. Je devrais appeler ma sœur pour en être certain. C'est fou d'avoir une mémoire si confuse.

*"La photo que je vois
Cet enfant dans tes bras
Je ne le connais pas
Tu me dis que c’est moi"
Petit petit moi (Albin de la Simone)