Fuite : voyage autour du monde.

Et se retrouver bloqué dans une ambassade - américaine - dans un pays en guerre, guerre civile. L'invasion de la ville par les rebelles est imminente. Ils ne viennent pas la libérer mais imposer la terreur. "Ce sont des fanatiques, ils sont terrifiants, certains n'ont pas vingt ans pourtant, me dit un secrétaire.
- Mais nous sommes en sécurité ici, ils ne peuvent entrer.
- Avec eux, on peut craindre le pire..."

l'ambassade

Une évacuation de l'ambassade est prévue mais... Ils ont peur tous ces gens qui se sont réfugiés entre les murs de l'ambassade depuis plusieurs longs jours. Et faim, les provisions venant à manquer. Une bande de jeunes imagine déjà comment attraper les singes qui dans le jardin de l'ambassade jouent avec insouciance dans les arbres. Indifférents comme ce petit garçon autiste qui se tient immobile dans un coin, contre le mur depuis assez longtemps me semble-t-il. Je demande autour de moi "qui s'occupe de lui ?". On me dit que sa mère est partie dehors à la recherche de son mari, c'est sa grande sœur qui veille sur lui. Je la retrouve chez un couple de vieux qui habite une sorte de petit appartement à l'entresol au sein de l'ambassade, ils vivent là depuis plusieurs années, ils sont en train de goûter comme si de rien était avec la fille dans leur petit salon, des tapis au sol, des tableaux naïfs au mur, c'est le calme avant la tempête, avec les albums photos ouverts sur la table basse entre les plateaux de biscuits secs et les tasses de thé. Ils m'invitent à m'asseoir. Ils me racontent leur vie. Ils se sont installés dans ce pays quand ils étaient jeunes, ils me montrent des photos de leur première usine de fabrication de meubles...

Alors que la fille est passée dans la chambre voisine, je demande : "leurs parents ont disparu ?
- Ils vont revenir, répond l'homme.
- On veille sur les enfants en attendant, continue la femme.

A ce moment-là, la fille revient : "Les voilà ?
- Les rebelles ? demande-t-on en chœur inquiets.
- Non, mes parents. Je les ai vus par la fenêtre".
La fille suivie des deux vieux se précipite dans l'escalier. Je sors à mon tour de l'appartement, vois que l'enfant n'a pas changé de place... Je descends le grand escalier de l'ambassade pour voir les deux parents sains et saufs embrasser leur fille. Derrière moi, j'entends quelqu'un m'appeler par mon prénom, une voix que je reconnais tout de suite... Pierre, mon Pierre, ici ! (On s'est perdu de vue depuis plusieurs année, après s'être aimé)
"Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je travaille à l'ambassade française. Et toi que fais tu chez les Américains, tu as oublié que tu étais Français. Viens avec moi, j'ai une voiture avec deux gendarmes, on va commencer l'évacuation..."
Je me sens bien ici, malgré la menace, étrangement bien malgré la menace car bien au milieu de tous ces gens, mais j'ai envie de suivre mon alter-ego, rien que pour rester avec lui...

C'est alors que je reçois sur mon portable un appel de ma mère : "Où es-tu ?
- L'autre bout du monde, tu vois à peu près où c'est...
- Tu peux rentrer rapidement.
- C'est-à-dire que je n'ai pas fini mon tour du monde.
- Ecoute, tu te maries demain alors il faut que tu prennes le premier avion.
- Comment ça, tu plaisantes ?
- On a tout organisé avec ton fiancé, tu n'as qu'à venir dire oui à la mairie.
- Je vais faire mon possible mais je vous promets rien".

Me voilà bien, moi qui ai du mal à faire des choix. Pierre m'informe qu'on va être évacué vers le pays voisin où je pourrais trouver un vol régulier pour arriver illico presto à mon mariage. Ou continuer mon tour du monde. Ou attendre ici une autre évacuation... Je crois que je vais aller rejoindre les singes dans leurs arbres, peut-être que ce sera plus simple, on me laissera tranquille !
"Alors tu viens ?", me demande Pierre... Il y a quelques jours, j'ai rêvé de toi, ce que je n'avais pas fait depuis longtemps. Tu es apparu sans jouer un rôle dans le rêve, comme un figurant dans un film... Était-ce un signe annonciateur de nos retrouvailles dans ces circonstances ? Je ne crois pas aux rêves prémonitoires et ce genre de choses. Mais c'est décidé, je le suis, et je ne le quitte plus.