...Mais pas de la littérature

J'aime lire, j'aime les livres, surtout leur odeur, les pages tournées, cornées... C'est toute ma vie. Mais je sais que la fin du livre est annoncé : place aux éditions numériques à lire sur tablettes électroniques. C'est une chance. Certains s'en désolent, ils oublient beaucoup de choses.

Les jeunes auteurs et les moins jeunes ont du mal à publier leur premier roman. Les maisons d'éditions sont frileuses car publier un livre coûte cher. De 2009 à 2011, le prix du papier a bondi de 50%. Et ça ne va pas s'arranger avec une demande croissante. Qui plus est, chaque année, 100 millions de livres finissent au pilon (Le Nouvel Obs, 2008). Et pas seulement à cause d'écrivains dont les livres ne sont pas assez médiatisés, portés à la simple connaissance du public mais aussi à cause de stars ou politiques qui inondent les librairies avec des livres qui ne se vendent pas (la liste est longue). Et même comme l'écrit Pierre Jourde : "L'éclatante réussite d'un auteur produit autant de pilonnage que l'échec. Cela fait partie d'une stratégie délibérée de surproduction [...] pour écraser la concurrence par le poids." Les éditeurs sont des marchands comme les autres. Et les tables des libraires croulent sous le poids des livres qui vont finir au pilon. Jourde conclut : "s'il y a un seul avantage du livre électronique, ce pourrait être d'en finir avec cette absurdité."(1)

Les écrivains bien cotés n'ont pas de mal à être publiés et à vendre : on comprend pourquoi ils trouvent inutiles le livre numérique. Et dangereux pour leur compte en banque avec des revenus amoindris par des téléchargements illégaux. La grande majorité des écrivains n'arrivent pas à vivre de leur plume et doivent avoir un emploi en plus (journaliste, professeur...) : le problème ne se pose donc pas pour eux. Ils peuvent même gagner plus avec une diffusion plus libre de leurs livres et plus large : du petit village à l'autre bout du monde.

Pour le lecteur, c'est une nouvelle façon non de lire en soi-même mais de posséder des livres. Finie l'accumulation de livres sur les étagères où ils prennent la poussière avant de finir au grenier (ou à la déchetterie) pour que la chambre ou le salon ne se transforment pas en bibliothèque publique. Les livres vont redevenir personnels en étant regroupé dans une petite tablette. Ils sont transportables partout avec soi, tous ensemble, ils peuvent accompagner le lecteur toute la journée dans son sac. Quel plaisir cela va être de piocher dans un livre aimé une phrase, un passage, durant une pause-café, dans le train ou le bus, dans un parc. Avec les progrès techniques, la lecteur sur écran devient de plus en plus agréable. Jusqu'à oublier l'écran.

Une œuvre littéraire n'est pas faite pour être un objet, elle est en soit immatérielle. Ma bibliothèque dans ma poche. Tous ses livres que j'aime, et des nouveaux livres qui entrent dans ma mémoire littéraire et dans la mémoire d'un appareil. Ceux qui me plaisent et que je garde, que je partage, et les autres, qui m'auront simplement fait perdre juste un peu d'argent et de temps. Chacun ses goûts, l'auteur a du talent mais son style ne me plaît pas, je le respecte davantage en le retirant de mon livre électronique qu'en jetant son livre à la poubelle !

Les mauvais écrivains ne deviendront pas de bons écrivains en passant du papier à l'écran. Il y a une sélection. C'est déjà le cas pour ce qui est publié sur le net : ce qui est illisible reste illisible, ce qui est insignifiant le reste. A côté de cela, il y a de bonnes choses à lire.

Pour les jeunes, le livre numérique est aussi une chance. Tous les classiques à leur disposition. Aux professeurs, aux parents de leur donner le goût de la lecture. Avec l'intégration de dictionnaires, les livres deviennent plus faciles à lire pour les plus jeunes.

En mettant au rencard le bon vieux livre en papier, nous y gagnons plus que nous perdons. Et ce que nous perdons nous rend déjà nostalgique du bon vieux temps.