J'allais partir, puis je l'ai vu. C'était une sorte de salon sur les jeux télé. Avec comme attraction principale un grand show mélangeant plusieurs jeux d'argent, des questions à un million, des liasses de billets sur des trappes, des maillons faibles... Avec les lumières et la musique qui vont avec... Irrespirable... A côté, des séances de dédicace de petites vedettes du petit écran... Que peuvent dédicacer des lecteurs de prompteurs et des potiches ? Un télé Z ?

Lui, cela me faisait plaisir de le rencontrer. Il a joué il y a vingt ans dans une sitcom un personnage marquant de musclor efféminé... Il est toujours aussi costaud à cinquante ans passés. Il est entouré par quelques fans qui veulent toucher ses biscoteaux. Moi, je n'ose pas. Il soulève une armoire en métal à bout de bras pour épater la galerie. J'ai envie de lui dire : la force, ce n'est pas ça ; c'est être de nature faible mais rester fort quoi qu'il arrive, et se "fortifier" au point d'être capable de soulever des montagnes.
Je m'accroupis, attrape ses jambes, il perd l'équilibre, je le soulève au-dessus de mes épaules, acclamé comme un champion par les gens...
Je le repose à terre (parce qu'il est drôlement lourd le gaillard). Il ne réplique pas, il s'en va... vexé ? Je le suis jusqu'à une partie du salon interdite au public, il rejoint une pièce réservée pour lui, il éponge la sueur sur son visage et son cou avec une serviette puis s’assoit derrière un bureau.

Il a l'air harassé. Je ne voudrais pas l'avoir blessé en quoi que ce soit... Il ne m'en veut pas. Il en veut à cette sale "vipère", ancienne collègue de plateau, qui parle de sa vie privée dans une interview à un canard de bas-niveau. Il repousse sur son bureau le magazine en question. Gros titres racoleurs qui appuient une rumeur qui court depuis des années sur son compte. L'orientation sexuelle des vedettes ne m'intéresse pas. Juste un constat : après avoir nié pendant des années, certains font la grande révélation, qui n'étonne personne...

Il me dit : "rester vrai, c'est compliqué". Je pense à une chanson. Il dit aussi qu'il se sent comme "une caisse sans fond". Je pense comprendre. Et puis, il dit une autre phrase, qui me touche aussi, et je veux pouvoir m'en souvenir mais je sens que je ne vais pas y arriver. C'est sûr, je rêve ; et en prenant conscience que je rêve, je risque de me réveiller. Il faut poursuivre encore ce rêve, en essayant de garder un maximum de choses en mémoire.

Il pose sur le bureau un pistolet... auquel il visse un silencieux... Il ne va pas se flinguer : on ne met pas un silencieux pour se flinguer. "Je vais les tuer.
- Qui ça ?
- Tout le monde, tous les gens.
- Ce n'est pas possible, on ne peut pas tuer tout le monde !
- C'est vrai, mais bon, à croire qu'ils font exprès d'être aussi cons les uns que les autres.
- Pas faux. Mais il faut faire avec, en s'incluant dans le lot !

Comme il sourit, je ne lui prends pas l'arme des mains. Je le quitte en me réveillant, avec regrets...