C'est déjà le matin. Nuit chaude d'été bien arrosée par certains, alors que moi je n'ai pas abusé, une ou deux bières, j'ai les idées bien claires, je n'oublierai rien. Clément lui est défoncé, je me moque de lui, on dirait qu'il s'est pris une porte en pleine face. Son pote Romain est dans le même état.
Je m'éloigne attiré par les cris des rugbymens matinaux venant du terrain d'à côté. Je traverse une haie et les admire dans la lumière... et toujours cette question, suis-je quelque part désirable pour quelqu'un dans cette lumière, ou juste un intrus.
On rembobine... La nuit dernière, c'est un autre matin, je suis en retard pour aller au lycée et j'hésite entre prendre mon vélo ou demander à ma mère de me "descendre" en ville. Dans la salle de bains, je me recoiffe devant le miroir. Mes cheveux m'arrivent maintenant en bas de la nuque, ils ont pris une drôle de couleur, ils ont viré au roux. Cela va bien avec mes pikoù panez* sous mes yeux (*breton pour "points de panais", petites taches de rousseur - ma mère m'a rappelé l'autre jour cette expression).
Avance rapide... La nuit qui suit. Nous nous retrouvons dans un bar avec une petite scène, sur laquelle monte un joli garçon - que j'ai déjà vu quelque part, mais où ? - il vient chanter une de mes chansons préférées : "Creep", de Radiohead. Sa version est magnifique, et je veux capturer ce moment, alors, je sors d'on-ne-sait-où mon vieux gros radio-cassette, je le pose sur le comptoir près de la scène et j'appuie à la fois sur les touches play et record - je crois que c'est comme ça que je faisais avant, devant la télé, j'enregistrais les génériques des feuilletons d'été et d'hiver quand ils passaient (nous n'avions pas alors de magnétoscope).
La prestation du garçon prend une drôle de tournure, une sorte de performance pornographique pour mes yeux extasiés. Il joue avec un gros dildo monté sur un pied de micro. Puis le délaissant, il caresse avec les doigts son superbe cul.
En descendant de scène, il vient vers moi et passe ses mains dans mes cheveux - comme il le ferait à un petit toutou, mais c'est bandant, ses doigts sont entrés dans son intimité... "Merci chéri, tu m'enverras la vidéo". Il s'en va avant que je lui explique que mon appareil n'a rien filmé. Comment vais-je faire ? Si je numérise la cassette, peut-être pourrais-je faire un clip en ajoutant des images ?...
Plus tard, je recherche son nom. Peut-être son show était annoncé dans le journal local... Puis, je me souviens que je le suis sur un réseau social.
J'essaye de lire la cassette, mais quand j'appuie sur play après avoir rembobiné, la bande s'échappe dans l'appareil, s'enroule, risque de se déchirer. J'ouvre doucement le compartiment à casette, je tente de sauver la bande comme je peux. Si la bande est froissée, le son risque d'être de mauvaise qualité. Je vais être obligé de faire des coupes. Pourquoi n'ai je pas simplement utilisé la caméra de mon téléphone ?