Chez lui ce n'est pas loin. Il me conduit jusqu'à un grand hangar : "Caravanes - Camping-cars - Hivernage". Il a la clé de la porte qui se trouve sur le côté. Je le suis dans l'obscurité, il me guide à travers les multiples rangées - il doit voir dans la nuit comme un chat, ou très bien connaître les lieux - jusqu'à une caravane de taille moyenne. "C'est ici que j'habite". Je ne lui pose pas de question(s). Je pense à Gavroche qui vivait dans un éléphant géant quand il me dit "monte" (le marchepied) après avoir ouvert et, à l'intérieur, - il allume une loupiote au plafond - le mobilier standard est en formica.

"J'ai un arrangement avec le gérant. Je surveille la nuit, il me fournit l'eau et l'électricité."

Sur la banquette, nous faisons connaissance. Il s'appelle Juan. Espagnol, latino, gitan ? Je n'en saurai pas plus. Il fait tomber sa veste sous laquelle il porte seulement un simple tee-shirt. Ma main glisse sur son bras, sent la tension de toute une journée, et plus encore. Il bascule en arrière, se laisse faire. Il accorde sa confiance, donne son corps à un inconnu, lui qui vit dans la peur (je reste sur cette impression, qui sera confirmée). Tout un corps à détendre, voilà l'aide que je peux lui apporter, que ses poils se hérissent de plaisir et qu'une nouvelle sueur vienne dessécher celle des heures passées, qu'il se laisse aller sous mes caresses...

Il me repousse subitement. Il se lève et éteint tout. Il a entendu du bruit à l'extérieur. Il y a quelqu'un en effet... qui entre, qui le cherche ? On cogne contre les caravanes. Il s'accroupit, de peur qu'on le voit à travers les petits rideaux tirés. Aucun coup contre notre caravane, mais nous entendons juste deux personnes passées tout près.

Puis, le silence complet. Juan se relève. "C'est bon, ils sont partis." Il rit nerveusement. "Qui était-ce ?
- Des flics qui veulent m'interroger.
- Pourquoi tu te caches ?
- Je ne parle pas aux condés."