Durant ces années au combien importantes entre l'enfance et l'adolescence, Étienne a tenu un rôle important dans ma vie, celui d'un beau-père attentif sans être envahissant, m'apprenant à grandir en respectant ma sensibilité... Ce n'était pas un homme parfait, c'était un homme simple avec ses doutes et ses colères rentrées, un homme secret aussi qui ne mentait que par omission... Il était différent de mon père, qui était un homme borné, limité par la morale, la tradition, une autre façon de voir la vie, au fond ni meilleure ni pire.

Je demande à la vieille dame : "Vous lui avez sauvé la vie ?
- Vous n'êtes pas au courant ? Vous ne savez pas ce qui lui est arrivé ? s'étonne la femme.
- Non.
- Vous ne suivez pas l'actualité ?"

"Suivre l'actualité". Non. Ni de près ni de loin. Déconnecté complètement. Les outils d'information sont très nombreux, et il est facile de filtrer les informations dont on souhaite avoir connaissance : politique, sport, international, culture... Petit à petit, j'ai réduit mon champ de vision, jusqu'à ne plus avoir à connaître grand chose de l'actualité. J'ignore le nom du premier ministre comme celui du roi d'Angleterre.

"Il lui est arrivé quelque chose d'incroyable. Je ne lui ai pas vraiment sauvé la vie, mais presque. C'était il y a quatre ans. Je passe devant chez lui et je le vois étendu dans l'allée de son jardin. Je me précipite pour le secourir. Son cœur ne battait plus. J'appelle tout de même les secours. Ils arrivent, ils l'embarquent, on me laisse là. C'est après qu'on a appris qu'il avait été sauvé à l'hôpital. Ils avaient battu le record du temps de ré-animation après la mort, une heure et quelques."

Il m'est arrivé une fois de rêver de la mort d'Etienne une fois. C'était deux ou trois ans après que nous l'ayons quitté et quitté cette ville. J'allais seul à son enterrement, ma mère se montrant indifférente, tout comme ma sœur. Au milieu de sa famille, je me sentais comme un intrus aux funérailles.
Après ce rêve, j'ai voulu revoir Tienne, j'ai d'abord essayé de prendre de ses nouvelles à travers les réseaux sociaux. Il n'a pas répondu à mon message. Je n'ai pas insisté.

"Il n'habite plus ici, il est parti au bord de la mer, là-bas dans le sud. Quand je dis le sud, je veux dire le sud de la région, pas le sud du pays, il est parti après la mort de sa mère, vous avez connu sa mère ?"
Elle est gentille, mais elle parle beaucoup... Je n'ai plus l'habitude d'entendre autant de paroles, les robots sont plus concis.
"Mais sans abuser de votre gentillesse, vous n'auriez pas une adresse ?
- Non, désolé."
C'est bête mais j'oublie complètement que je peux obtenir l'information en une fraction de seconde en tapant son nom sur mon portable.