Il arrive toujours par les yeux.
Quand mes pupilles passent de noisette à gris clair.
Mes sourcils s'éclaircissent, les oreilles se décollent, le front s'élargit, ce n'est déjà plus moi, et après quelques transformations morphologiques, c'est bien lui dans le miroir.
Il m'a fait aimer les miroirs. A m'y regarder nu, pour le faire venir. Les cheveux frisent, la peau se colore, les doigts s'allongent, et les ongles qu'il ronge raccourcissent et s'abîment, le sexe rétrécit d'un centimètre ou deux, une cicatrice se trace en bas du ventre (appendicite), le nombril change de forme... Viens maintenant... Viens, Tanguy.
Nos deux mains l'une contre l'autre je sens la chaleur à la place du froid de la glace, de sa main qui réchauffe la mienne. De l'autre côté du miroir, il ne fait pas froid m'a-t-il dit. Sa main passe à travers le miroir, je l'attrape pour l'aider à traverser entièrement le miroir.
On ne vit pas vraiment ensemble, il ne veut pas d'un concubinage monotone, mais je pensais qu'il ferait comme tout le monde : arriver à l'improviste, jeter les clés que je lui ai confiées dans le vide-poches de l'entrée, enlever son manteau et me rejoindre au salon ou à la cuisine. Mais non, il passe par le miroir de la chambre, celui qu'il m'a offert, pour exercer son super-pouvoir et retrouver mes bras, et tout ce qui va avec.